19 November 2019

Balzac: Die menschliche Komödie - Vetter Pons oder die beiden Musiker

Die menschliche Komödie (Konzeption des Romanzyklus - Wikipedia)
La Comédie humaine

Le Cousin Pons (Vetter Pons)

Vetter Pons mit seinem altmodischen Spencer und seinen drei Westen übereinander nötigt den blasierten Parisern von 1844 doch immer weider ein Lächeln ab. 

"[...]  Ce vieillard, sec et maigre, portait un spencer couleur noisette sur un habit verdâtre à boutons de métal blanc ! … Un homme en spencer, en 1844, c’est, voyez-vous, comme si Napoléon eût daigné ressusciter pour deux heures.
Spencer um 1800 (Wikipedia Commons)


Le spencer fut inventé, comme son nom l’indique, par un lord sans doute vain de sa jolie taille. Avant la paix d’Amiens, cet Anglais avait résolu le problème de couvrir le buste sans assommer le corps par le poids de cet affreux carrick qui finit aujourd’hui sur le dos des vieux cochers de fiacre ; mais comme les fines tailles sont en minorité, la mode du spencer pour homme n’eut en France qu’un succès passager, quoique ce fût une invention anglaise. [...]
Sous ce chapeau, qui paraissait près de tomber, s’étendait une de ces figures falotes et drolatiques comme les Chinois seuls en savent inventer pour leurs magots. Ce vaste visage percé comme une écumoire, où les trous produisaient des ombres, et refouillé comme un masque romain, démentait toutes les lois de l’anatomie. Le regard n’y sentait point de charpente. Là où le dessin voulait des os, la chair offrait des méplats gélatineux, et là où les figures présentent ordinairement des creux, celle-là se contournait en bosses flasques. Cette face grotesque, écrasée en forme de potiron, attristée par des yeux gris surmontés de deux lignes rouges au lieu de sourcils, était commandée par un nez à la don Quichotte, comme une plaine est dominée par un bloc erratique. Ce nez exprime, ainsi que Cervantes avait dû le remarquer, une disposition native à ce dévouement aux grandes choses qui dégénère en duperie. Cette laideur, poussée tout au comique, n’excitait cependant point le rire. La mélancolie excessive qui débordait par les yeux pâles de ce pauvre homme atteignait le moqueur et lui glaçait la plaisanterie sur les lèvres. On pensait aussitôt que la nature avait interdit à ce bonhomme d’exprimer la tendresse, sous peine de faire rire une femme ou de l’affliger. Le Français se tait devant ce malheur, qui lui paraît le plus cruel de tous les malheurs : ne pouvoir plaire ! [...]

Da er wegen seiner abgrundtiefen Hässlichkeit den Frauen nicht gefallen kann, hat er zwei andere Leidenschaften entwickelt: das Sammeln von Kunst, genauer von Bric-à-Brac, und gutes Essen. Zwar kauft und ertauscht er nur Kunst, an die er sehr günstig kommen kann, doch trotzdem kann er seiner Guremet-Leidenschaft wegen seines knappen Gehalts als Kapellmeister nur bei Einladungen frönen, doch wusste er sich, seit er als Künstler weniger en vogue war, durch kleine Dienste bei den Gastgebern beliebt zu machen. In den letzten Jahren klappt aber auch das nicht mehr und er muss sich auf einige wenige Familien beschränken, bei denen er sich als zumindest weitläufiger Vetter bezeichnen kann. 

Entre Pons et monsieur Sauvageot, il se rencontrait quelques ressemblances. Monsieur Sauvageot, musicien comme Pons, sans grande fortune aussi, a procédé de la même manière, par les mêmes moyens, avec le même amour de l’art, avec la même haine contre ces illustres riches qui se font des cabinets pour faire une habile concurrence aux marchands. De même que son rival, son émule, son antagoniste pour toutes ces œuvres de la Main, pour ces prodiges du travail, Pons se sentait au cœur une avarice insatiable, l’amour de l’amant pour une belle maîtresse, et la revente, dans les salles de la rue des Jeûneurs, aux coups de marteau des commissaires-priseurs, lui semblait un crime de lèse Bric-à-Brac. Il possédait son musée pour en jouir à toute heure, car les âmes créées pour admirer les grandes œuvres, ont la faculté sublime des vrais amants ; ils éprouvent autant de plaisir aujourd’hui qu’hier, ils ne se lassent jamais, et les chefs-d’œuvre sont, heureusement, toujours jeunes. Aussi l’objet tenu si paternellement devait-il être une de ces trouvailles que l’on emporte, avec quel amour ! amateurs, vous le savez ! [...]

Und dann traf ihn das Glück, dass er im Alter eine Männerfreundschaft mit einem anderen Musiker begründen konnte, mit Schmucke. Schmucke spielt Klavier und "wie alle Klavierspieler" ist er Deutscher. Die lange Liste deutscher Klavierspieler, die Balzac aufzählt und von denen man heute schon viele kaum noch kennt, lässt - wie die sehr ausführliche Beschreibung von Einzelheiten - fast den Verdacht aufkommen, dass Balzac Zeilenschinderei betreibt. Doch es ist nicht zuletzt die Genauigkeit der Milieuschilderung, die Balzacs "menschliche Komödie" als Zeidokument so wertvoll macht.
En 1835, le hasard vengea Pons de l’indifférence du beau sexe, il lui donna ce qu’on appelle, en style familier, un bâton de vieillesse. Ce vieillard de naissance trouva dans l’amitié un soutien pour sa vie, il contracta le seul mariage que la société lui permît de faire, il épousa un homme, un vieillard, un musicien comme lui. Sans la divine fable de La Fontaine, cette esquisse aurait eu pour titre les Deux Amis. Mais n’eût-ce pas été comme un attentat littéraire, une profanation devant laquelle tout véritable écrivain reculera ? Le chef-d’œuvre de notre fabuliste, à la fois la confidence de son âme et l’histoire de ses rêves, doit avoir le privilège éternel de ce titre. Cette page, au fronton de laquelle le poète a gravé ces trois mots : les Deux Amis, est une de ces propriétés sacrées, un temple où chaque génération entrera respectueusement et que l’univers visitera, tant que durera la typographie.
L’ami de Pons était un professeur de piano, dont la vie et les mœurs sympathisaient si bien avec les siennes, qu’il disait l’avoir connu trop tard pour son bonheur ; car leur connaissance, ébauchée à une distribution de prix, dans un pensionnat, ne datait que de 1834. Jamais peut-être deux âmes ne se trouvèrent si pareilles dans l’océan humain qui prit sa source au paradis terrestre contre la volonté de Dieu : Ces deux musiciens devinrent en peu de temps l’un pour l’autre une nécessité. Réciproquement confidents l’un de l’autre, ils furent en huit jours comme deux frères. Enfin Schmucke ne croyait pas plus qu’il pût exister un Pons, que Pons ne se doutait qu’il existât un Schmucke. Déjà, ceci suffirait à peindre ces deux braves gens, mais toutes les intelligences ne goûtent pas les brièvetés de la synthèse. Une légère démonstration est nécessaire pour les incrédules.
Ce pianiste, comme tous les pianistes ; était un Allemand, Allemand comme le grand Listz et le grand Mendelssohn, Allemand comme Steibelt, Allemand comme Mozart et Dusseck, Allemand comme Meyer, Allemand comme Doelher, Allemand comme Thalberg, comme Dreschok, comme Hiller, comme Léopold Mayer, comme Crammer, comme Zimmerman et Kalkbrenner, comme Herz, Woëtz, Karr, Wolff, Pixis, Clara Wieck, et particulièrement tous les Allemands. Quoique grand compositeur, Schmucke ne pouvait être que démonstrateur, tant son caractère se refusait à l’audace nécessaire à l’homme de génie pour se manifester en musique. La naïveté de beaucoup d’Allemands n’est pas continue, elle a cessé ; celle qui leur est restée à un certain âge, est prise, comme on prend l’eau d’un canal, à la source de leur jeunesse, et ils s’en servent pour fertiliser leur succès en toute chose, science, art ou argent, en écartant d’eux la défiance. En France, quelques gens fins remplacent cette naïveté d’Allemagne par la bêtise de l’épicier parisien. Mais Schmucke avait gardé toute sa naïveté d’enfant, comme Pons gardait sur lui les reliques de l’Empire, sans s’en douter. Ce véritable et noble Allemand était à la fois le spectacle et les spectateurs, il se faisait de la musique à lui-même. Il habitait Paris, comme un rossignol habite sa forêt, et il y chantait seul de son espèce, depuis vingt ans, jusqu’au moment où il rencontra dans Pons un autre lui-même. (Voir Une fille d’Ève.) [...]
Au moment où Pons rencontra Schmucke, il venait d’obtenir, sans l’avoir demandé, le bâton de maréchal des compositeurs inconnus, un bâton de chef d’orchestre ! Grâce au comte Popinot, alors ministre, cette place fut stipulée pour le pauvre musicien, au moment où ce héros bourgeois de la révolution de Juillet fit donner un privilège de théâtre à l’un de ces amis dont rougit un parvenu, quand, roulant en voiture, il aperçoit dans Paris un ancien camarade de jeunesse, triste-à-patte, sans sous-pieds, vêtu d’une redingote à teintes invraisemblables, et le nez à des affaires trop élevées pour des capitaux fuyards. Ancien commis voyageur, cet ami, nommé Gaudissard, avait été jadis fort utile au succès de la grande maison Popinot. Popinot, devenu comte, devenu pair de France après avoir été deux fois ministre, ne renia point l’Illustre Gaudissard ! Bien plus, il voulut mettre le voyageur en position de renouveler sa garde-robe et de remplir sa bourse ; car la politique, les vanités de la cour citoyenne n’avaient point gâté le cœur de cet ancien droguiste. Gaudissard, toujours fou des femmes, demanda le privilège d’un théâtre alors en faillite, et le ministre, en le lui donnant, eut soin de lui envoyer quelques vieux amateurs du beau sexe, assez riches pour créer une puissante commandite amoureuse de ce que cachent les maillots. Pons, parasite de l’hôtel Popinot, fut un appoint du privilège. La compagnie Gaudissard, qui fit d’ailleurs fortune, eut en 1834 l’intention de réaliser au Boulevard cette grande idée : un opéra pour le peuple. La musique des ballets et des pièces féeries exigeait un chef d’orchestre passable et quelque peu compositeur. [...] 
— Monsieur, il y a là, dit-il à son patron, un homme qui veut parler à monsieur Schmucke…
Le notaire, sur un geste de Fraisier, haussa les épaules significativement.
— Ne nous dérangez donc jamais quand nous signons des actes. Demandez le nom de ce… Est-ce un homme ou un monsieur ? est-ce un créancier…
Le clerc revint et dit : — Il veut absolument parler à monsieur Schmucke.
— Son nom ?
— Il s’appelle Topinard.
— J’y vais. Signez tranquillement, dit Gaudissard à Schmucke. Finissez, je vais savoir ce qu’il nous veut.
Gaudissard avait compris Fraisier, et chacun d’eux flairait un danger.
— Que viens-tu faire ici ? dit le directeur au gagiste. Tu ne veux donc pas être caissier ? Le premier mérite d’un caissier… c’est la discrétion.
— Monsieur !.
— Va donc à tes affaires, tu ne seras jamais rien si tu te mêles de celles des autres.
— Monsieur, je ne mangerai pas de pain dont toutes les bouchées me resteraient dans la gorge !… — Monsieur Schmucke ! criait-il…
Schmucke, qui avait signé, qui tenait son argent à la main, vint à la voix de Topinard.
— Voici pir la bedide Allemande et pir fus
— Ah ! mon cher monsieur Schmucke, vous avez enrichi des monstres, des gens qui veulent vous ravir l’honneur. J’ai porté cela chez un brave homme, un avoué qui connaît ce Fraisier, et il dit que vous devez punir tant de scélératesse en acceptant le procès et qu’ils reculeront… Lisez.
Et cet imprudent ami donna l’assignation envoyée à Schmucke, cité Bordin. Schmucke prit le papier, le lut, et en se voyant traité comme il l’était, ne comprenant rien aux gentillesses de la procédure, il reçut un coup mortel. Ce gravier lui boucha le cœur. Topinard reçut Schmucke dans ses bras ; ils étaient alors tous deux sous la porte cochère du notaire. Une voiture vint à passer, Topinard y fit entrer le pauvre Allemand, qui subissait les douleurs d’une congestion séreuse au cerveau. La vue était troublée ; mais le musicien eut encore la force de tendre l’argent à Topinard. Schmucke ne succomba point à cette première attaque, mais il ne recouvra point la raison ; il ne faisait que des mouvements sans conscience ; il ne mangea point ; il mourut en dix jours sans se plaindre, car il ne parla plus. Il fut soigné par madame Topinard, et fut obscurément enterré côte à côte avec Pons, par les soins de Topinard, la seule personne qui suivit le convoi de ce fils de l’Allemagne.
Fraisier, nommé juge de paix, est très intime dans la maison du président, et très apprécié par la présidente, qui n’a pas voulu lui voir épouser la fille à Tabareau ; elle promet infiniment mieux que cela à l’habile homme à qui, selon elle, elle doit non seulement l’acquisition des prairies de Marville et le cottage, mais encore l’élection de monsieur le président, nommé député à la réélection générale de 1846.
Tout le monde désirera sans doute savoir ce qu’est devenue l’héroïne de cette histoire, malheureusement trop véridique dans ses détails, et qui, superposée à la précédente, dont elle est la sœur jumelle, prouve que la grande force sociale est le caractère. Vous devinez, ô amateurs, connaisseurs et marchands, qu’il s’agit de la collection de Pons ! Il suffira d’assister à une conversation tenue chez le comte Popinot, qui montrait, il y a peu de jours, sa magnifique collection à des étrangers.
— Monsieur le comte, disait un étranger de distinction, vous possédez des trésors !
— Oh ! milord, dit modestement le comte Popinot, en fait de tableaux, personne, je ne dirai pas à Paris, mais en Europe, ne peut se flatter de rivaliser avec un inconnu, un Juif nommé Élie Magus, vieillard maniaque, le chef des tableaumanes. Il a réuni cent et quelques tableaux qui sont à décourager les amateurs d’entreprendre des collections. La France devrait sacrifier sept à huit millions et acquérir cette galerie à la mort de ce richard… Quant aux curiosités, ma collection est assez belle pour qu’on en parle…
— Mais comment un homme aussi occupé que vous l’êtes, dont la fortune primitive a été si loyalement gagnée dans le commerce…
— De drogueries, dit Popinot, a pu continuer à se mêler de drogues…
— Non, reprit l’étranger, mais où trouvez-vous le temps de chercher ? Les curiosités ne viennent pas à vous…
— Mon père avait déjà, dit la vicomtesse Popinot, un noyau de collection, il aimait les arts, les belles œuvres ; mais la plus grande partie de ses richesses vient de moi !
— De vous ! madame ?… si jeune ! vous aviez ces vices-là, dit un prince russe.
Les Russes sont tellement imitateurs, que toutes les maladies de la civilisation se répercutent chez eux. La bricabracomanie fait rage à Pétersbourg, et par suite du courage naturel à ce peuple, il s’ensuit que les Russes ont causé dans l’article, dirait Rémonencq, un renchérissement de prix qui rendra les collections impossibles. Et ce prince était à Paris uniquement pour collectionner.
— Prince, dit la vicomtesse, ce trésor m’est échu par succession d’un cousin qui m’aimait beaucoup et qui avait passé quarante et quelques années, depuis 1805, à ramasser dans tous les pays, et principalement en Italie, tous ces chefs-d’œuvre…
— Et comment l’appelez-vous ? demanda le milord.
— Pons ! dit le président Camusot.
— C’était un homme charmant, reprit la présidente de sa petite voix flûtée, plein d’esprit, original, et avec cela beaucoup de cœur. Cet éventail que vous admirez, milord, et qui est celui de madame de Pompadour, il me l’a remis un matin en me disant un mot charmant que vous me permettrez de ne pas répéter…
Et elle regarda sa fille.
— Dites-nous le mot, demanda le prince russe, madame la vicomtesse.
— Le mot vaut l’éventail !… répondit la vicomtesse dont le mot était stéréotypé. Il a dit à ma mère qu’il était bien temps que ce qui avait été dans les mains du vice restât dans les mains de la vertu.
Le milord regarda madame Camusot de Marville d’un air de doute extrêmement flatteur pour une femme si sèche.
— Il dînait trois ou quatre fois par semaine chez moi, reprit-elle, il nous aimait tant ! nous savions l’apprécier, les artistes se plaisent avec ceux qui goûtent leur esprit. Mon mari était d’ailleurs son seul parent. Et quand cette succession est arrivée à monsieur de Marville, qui ne s’y attendait nullement, monsieur le comte a préféré acheter tout en bloc plutôt que de voir vendre cette collection à la criée ; et nous aussi nous avons mieux aimé la vendre ainsi, car il est si affreux de voir disperser de belles choses qui avaient tant amusé ce cher cousin. Élie Magus fut alors l’appréciateur, et c’est ainsi, milord, que j’ai pu avoir le cottage bâti par votre oncle, et où vous nous ferez l’honneur de venir nous voir.
Le caissier du théâtre, dont le privilège cédé par Gaudissard a passé depuis un an dans d’autres mains, est toujours monsieur Topinard ; mais monsieur Topinard est devenu sombre, misanthrope, et parle peu ; il passe pour avoir commis un crime, et les mauvais plaisants du théâtre prétendent que son chagrin vient d’avoir épousé Lolotte. Le nom de Fraisier cause un soubresaut à l’honnête Topinard. Peut-être trouvera-t-on singulier que la seule âme digne de Pons se soit trouvée dans le troisième dessous d’un théâtre des boulevards.
Madame Rémonencq, frappée de la prédiction de madame Fontaine, ne veut pas se retirer à la campagne, elle reste dans son magnifique magasin du boulevard de la Madeleine, encore une fois veuve. En effet, l’Auvergnat, après s’être fait donner par contrat de mariage les biens au dernier vivant, avait mis à portée de sa femme un petit verre de vitriol, comptant sur une erreur, et sa femme, dans une intention excellente, ayant mis ailleurs le petit verre, Rémonencq l’avala. Cette fin, digne de ce scélérat, prouve en faveur de la Providence que les peintres de mœurs sont accusés d’oublier, peut-être à cause des dénouements de drames qui en abusent.
Excusez les fautes du copiste !"
https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Cousin_Pons

Vetter Pons ist eine "Durchleuchtung der menschlichen Leidenschaften, wie die französische Literatur sie nie mehr übertroffen hat." (Stefan Zweig)

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